Il s’agit d’une huile sur toile de grand format intitulée L’Archer de Georges Ribemont-Dessaignes (97x130 cm), dont un tableau est actuellement visible dans l’exposition Arts et Cinéma (Le Grand Musicien, 1920, prêté par le musée de Reims, présenté à côté des engrenages des Temps Modernes). C’est un artiste dont les œuvres sont extrêmement rares sur le marché (4 peintures seulement sont passées en vente depuis 2009) et dans les collections françaises (deux dessins seulement au Centre Pompidou, une toile à Reims), car beaucoup de tableaux ont été perdus. L’artiste nous intéresse à plusieurs titres. D’une part parce qu’il rencontre, en 1909, les 3 frères Duchamp, avec qui il se lie et qu’il fréquente pendant plusieurs années, avec les autres artistes du « groupe de Puteaux » (Metzinger, Gleizes, Kupka). Duchamp-Villon réalise ainsi un portrait de l’épouse de Ribemont-Dessaignes, Maggy, en 1912.
On distingue deux périodes très différentes dans l’œuvre de GRB : avant 1913, où l’artiste est encore influencé par les Nabis, s’intéresse au japonisme puis au cubisme, puis après 1919, où l’artiste se consacre à des œuvres « mécanomorphes », comme beaucoup d’artistes dans ces années-là (on pense notamment à Marcel Duchamp et à son Moulin à café ou au Nu descendant un escalier) Entre 1913 et 1919, GRD a cessé de peindre, "arrivé à la conclusion qu'il n'y avait aucune raison de peindre de telle ou telle manière plutôt que de telle autre", indique-t-il dans ses écrits. À partir de 1920, GRD est un participant actif au mouvement Dada, en tant que peintre mais aussi poète, dramaturge et musicien. Dans les années 1930, il se rapproche des créateurs du « Grand Jeu », parmi lesquels on trouve le peintre Joseph Sima, également présent dans nos collections. Georges Ribemont-Dessaignes croise ainsi plusieurs cercles artistiques auxquels nous nous intéressons et dont nous essayons de développer la présence et la visibilité au musée, et l’œuvre viendrait tout naturellement prendre place dans le parcours des collections permanentes.
L’œuvre en elle-même est tout à fait intéressante car elle est le reflet d’un certain nombre d’influences auxquelles GRD s’est intéressé. Elle n’est pas datée et des recherches complémentaires seront nécessaires, mais on peut supposer qu’elle date du début des années 1900, peut-être vers 1909-1910. La composition par plans juxtaposés et les tonalités brunes et vertes évoquent les premiers temps du cubisme, par exemple la série de Braque réalisé à l’Estaque en 1908, tandis que l’aspect naïf, volontairement simplifié du paysage et de l’archer rappelle l’art Nabi, avec ses grands aplats de couleur et la communion du personnage avec la nature.